Thèmes

Genèse du roman (1907-1914)

La période 2021-2024 sera consacrée à l'édition des lettres de 1907 à l'été 1914, période pendant laquelle Proust se remet à écrire et élabore peu à peu un projet romanesque qui trouvera son titre en 1913, À la recherche du temps perdu. Après la publication de plusieurs articles en 1907, l'écrivain hésite entre plusieurs projets en 1908 ; la fusion de ces divers projets le mènera à concevoir une vaste construction romanesque et essayistique, dont le premier tome, Du côté de chez Swann, apparaîtra en novembre 1913, tandis que la publication du deuxième, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, sous presse en juillet 1914, sera interrompue par le déclenchement de la Grande Guerre.

Les années 1907-1914 sont donc celles de la première genèse du roman — tandis que l'interruption de la publication en juillet 1914 donnera lieu à une nouvelle période d'intenses développements et réorientations génétiques et scénariques entre 1914 et 1918.

 

Lettres de la Grande Guerre (1914-1918)

Dans la nuit du dimanche 2 août au lundi 3 août 1914, Marcel Proust écrit à Lionel Hauser, son cousin par alliance et conseiller financier : « Dans les terribles jours que nous traversons tu as autre chose à faire qu’à écrire des lettres et à t’occuper de mes pauvres intérêts qui je te jure me semblent bien dénués d’importance quand je pense que des millions d’hommes vont être massacrés dans une “Guerre des Mondes” comparable à celle de Wells […]. » La sombre prédiction de Proust était appelée à devenir réalité.

Cette guerre mondiale, que les états-majors avaient prévue courte, durera quatre longues années, tuant ou mutilant des millions d'hommes dans chaque camp, impactant chaque famille dans sa descendance et son assise économique. Outre des bouleversements boursiers et financiers (dont Proust sortira ruiné), la Grande Guerre entraîne aussi la paralysie de pans entiers de l'activité culturelle, dont la fermeture des maisons d'édition et de la quasi totalité des imprimeries. Alors que le second tome d'À la recherche du temps perdu était sous presse en juillet 1914, ce coup d'arrêt éditorial amènera Proust à retravailler son roman, qui, des trois tomes annoncés à la parution de Du côté de chez Swann en 1913, allait croître de manière imprévue, intégrant notamment la Guerre en train de se dérouler. Une des sections posthumes du roman, « Paris pendant la guerre », compte aujourd’hui parmi les représentations littéraires les plus célèbres du conflit mondial, vécu de l’ « arrière ».

Une subvention accordée par les Services culturels de l’Ambassade de France aux États-Unis en 2017 – dans le cadre d’un appel à projets marquant le centenaire de l’entrée en guerre des États-Unis en 1917 – a permis au projet Corr-Proust, projet-phare du Consortium franco-américain Proust21, d’élargir son équipe et de mettre au point les outils numériques nécessaires à son travail. Grâce à cet élan, une première sélection de lettres de la Guerre a pu être présentée en novembre 2018, mois du centenaire de l’Armistice.

Le corpus retenu pour l’ouverture du site montre Proust vivant la Guerre de diverses façons. Il s’inquiète pour ses proches, dont son frère, parti pour le font comme médecin-major dès le jour de la mobilisation ; Reynaldo Hahn, engagé volontaire dans l’armée ; ou encore Bertrand de Fénelon, disparu et dont pendant de longs mois nul ne sait s'il est tué ou prisonnier. Il lit jusqu'à sept journaux par jour, suivant avec angoisse l'évolution des opérations militaires en France mais aussi à l'étranger (Russie, Balkans, etc.), et scrutant les listes des « Morts au champ d'honneur ». Il déplore la disparition de ses amis ou des jeunes fils de ses amis, mais aussi l'hécatombe de tant de soldats, même inconnus : ainsi le voit-on déplorer la mort au front d’un jeune homme qu’il dit pourtant n’avoir « jamais vu ». Il critique le chauvinisme de la presse et les littérateurs qui « parlent bien mal » des soldats tués et des Allemands. Il complimente, de façon peut-être ambiguë, les Élégies guerrières de Robert de Montesquiou. Pendant des mois, il craint d’être sommé de se présenter devant un Conseil de révision, malgré sa « déchéance physique », et sollicite de nombreux certificats médicaux en vue d’être dispensé de toute obligation militaire. Il lui arrive cependant de quitter sa chambre pour assister à certains événements de la vie artistique parisienne lorsque la vie culturelle et mondaine reprend, après de longs mois de paralysie. Tout au long de ces années de guerre, il poursuit l’écriture de son roman : une longue lettre-dédicace adressée à une de ses correspondantes, Mme Scheikévitch, en deuil d’un frère tué au front, où il révèle quelques secrets des volumes encore à paraître, nous permet de mesurer tout le travail accompli pendant ces mois de réclusion.

 

Centenaire du Prix Goncourt (1919)

À l'occasion des cent ans du prix Goncourt décerné à Marcel Proust pour À l'ombre des jeunes filles en fleurs (10 décembre 1919), un premier choix de lettres se rapportant à ce prix et à ce volume a été mis en ligne. D'autres lettres seront ajoutées ultérieurement.