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Je reçois votre lettre pour le médecin major Vigne2 et l’envoie par le même courrier à Reynaldo3. Il vous sera certainement bien reconnaissant de la peine que vous avez eu la bonté de prendre et en attendant qu’il vous écrive, je vous remercie bien vivement pour lui. Mon appréciation esthétique était tout à fait sincère4 et, comme diraient nos ennemis, « objective5 ». « L’instantané » que je garde de cette dernière visite6 me semble empreint d’une séduction plus grande encore que ceux plus anciens conservés très intacts dans ma mémoire. Ce n’est que l’impression d’un artiste, les femmes seules peuvent dire si elle est juste.
Comme vous avez préféré ne pas me donner de certificat, j’en ai demandé un au docteur Faisans7 ainsi qu’à mon médecin habituel actuellement mobilisé8. Leurs deux certificats sont parfaits. Je ne sais encore quand j’aurai à en faire usage.
Veuillez agréer cher Monsieur l’hommage de mon bien respectueux attachement.
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Cher Monsieur
Je reçois votre lettre pour le médecin-major Vigne2 et l’envoie par le même courrier à Reynaldo3. Il vous sera certainement bien reconnaissant de la peine que vous avez eu la bonté de prendre et en attendant qu’il vous écrive, je vous remercie bien vivement pour lui. Mon appréciation esthétique était tout à fait sincère4 et, comme diraient nos ennemis, « objective5 ». « L’instantané » que je garde de cette dernière visite6 me semble empreint d’une séduction plus grande encore que ceux plus anciens conservés très intacts dans ma mémoire. Ce n’est que l’impression d’un artiste, les femmes seules peuvent dire si elle est juste.
Comme vous avez préféré ne pas me donner de certificat, j’en ai demandé un au docteur Faisans7 ainsi qu’à mon médecin habituel actuellement mobilisé8. Leurs deux certificats sont parfaits. Je ne sais encore quand j’aurai à en faire usage.
Veuillez agréer cher Monsieur l’hommage de mon bien respectueux attachement.
Marcel Proust
- 1.
- Cette lettre, où Proust remercie le docteur
Pozzi pour l'envoi d'une lettre de recommandation destinée à Reynaldo Hahn, suit de
peu celle du [5 ou 6 novembre 1914] dans laquelle il sollicitait ce service (CP 05411 ; BMP, n° 51, p.
28-29). Voir aussi la mention du certificat « parfait » du Dr Bize (note 8
ci-dessous). [FL]
- 2.
- Il s'agit probablement du médecin-major
Vigné (voir CP 05411, note 4). La lettre du Dr
Pozzi ne nous est pas parvenue. [FL, FP]
- 3.
- Nous ignorons si cet envoi à Reynaldo Hahn
était accompagné d’une lettre, aucune n’ayant été retrouvée. [FP]
- 4.
- Dans sa lettre du [5 ou 6 novembre 1914] où
il sollicitait une recommandation pour Reynaldo Hahn, Proust affirmait au Dr Pozzi
qu'il l'avait trouvé, tel qu'il venait de le revoir, supérieur à son portrait peint
par Sargent en 1881 (voir CP 05411). La
protestation de Proust donne à penser que le docteur avait interprété ce compliment
comme une flatterie intéressée. [FL]
- 5.
- Dans les premiers mois de la guerre, de
nombreux articles de presse véhiculent l'idée que la philosophie allemande serait à
l'origine du militarisme impérialiste de l'ennemi (voir notamment Émile Boutroux, «
L'Allemagne et la guerre », Revue des Deux
Mondes, 15 octobre 1914, p. 385-401). Proust fait peut-être ici
référence, par le biais de ces lectures qu'il estime que Pozzi doit avoir faites
également, aux concepts hégéliens d'« esprit objectif » ou de « volonté objective »
(Principes de la philosophie du droit, 1820). [FP]
- 6.
- La visite effectuée peu avant le 24 octobre
1914 (voir CP 05411 et CP 02830 ; Kolb, XIV, n°
176). [FL]
- 7.
- Auteur d'un ouvrage clinique sur les
Maladies des organes respiratoires (Paris,
Gauthier-Villard, 1892), le docteur Léon Faisans était bien placé pour faire ce
certificat en faveur de l'asthmatique Proust. Il ne reste plus du document original
qu'une copie de la main de Céleste Albaret (voir CP
05641, ainsi que ses notes 1 et 4). [LJ, FL]
- 8.
- Le « médecin habituel » de Proust était
le docteur Maurice Bize. Médecin auxiliaire dans la réserve de l'armée territoriale, il
était affecté à la portion mobile du 35e régiment territorial
d'infanterie, et cantonné à Albi. Il aurait dû être libéré de ses obligations
militaires le 24 octobre 1914, mais il fut nommé « médecin aide-major de
2e classe pour la durée de la guerre » par décret en
novembre 1914. Le certificat que Proust juge « parfait » est sans doute celui que le
Dr Bize a refait sur papier timbré, en date du 4 novembre 1914, attestant son
incapacité à quitter son lit (CP 05639), après
l'envoi d'un premier certificat sur papier ordinaire et moins explicite, le 23
octobre 1914 (CP 05638). Proust a dû recevoir
ce deuxième certificat quelques jours après le 4 novembre. [LJ, FL]