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 LE MATIN↩
3, 4, 6, BOUL. POISSONNIÈRE↩
1, 3, 5 & 7, FAUB. POISSONNIÈRE ↩
PARIS (IXe ARRt) ↩
 
 Cher Monsieur, mais je voudrais↩
dire désormais cher ami,
 
 Vous croyez que je néglige votre papier2,↩
quand je me débats pour forcer les cadres↩
trop étroits, ridiculement étroits, du Matin3.↩
Déjà j'ai fait composer en 8. Cela ne↩
suffit pas. Je vous en prie, et Jouvenel↩
aussi, pouvez-vous couper 30 lignes4 ? Il↩
passerait tout de suite. Ne m'en veuillez
 
 
 Mais n'enlevez pas,↩
(audans le cas où vous↩
consent×××iriez,) les↩
dépêches5 !
 
 
  
  
  
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 LE MATIN 3, 4, 6, BOUL. POISSONNIÈRE 1, 3, 5 & 7, FAUB. POISSONNIÈRE  PARIS (IXe ARRt)  
  1
  Cher Monsieur, mais je voudrais dire désormais cher ami,
  Vous croyez que je néglige votre papier2, quand je me débats pour forcer les cadres trop étroits, ridiculement étroits, du Matin3. Déjà j'ai fait composer en huit. Cela ne suffit pas. Je vous en prie, et Jouvenel aussi, pouvez-vous couper trente lignes4 ? Il passerait tout de suite. Ne m'en veuillez
 
 pas. 
  Croyez-moi votre amie,
  Colette de Jouvenel
  Mais n'enlevez pas  (dans le cas où vous consentiriez) les dépêches5 !
 
  
  
  
- 1.
        
- Cette lettre semble se situer peu avant le
                11 décembre 1919, date à laquelle paraît dans Le Matin
                l'extrait dont il est question ici : voir la note 2. [PK]
        
- 2.
        
- Il s'agit d'un fragment du séjour à
                Venise d'À la recherche du temps perdu, qui paraîtra dans
                    Le Matin du 11 décembre 1919, p. 2, rubrique « Les Mille et
                un Matins », sous le titre : « Mme de Villeparisis
                    à Venise ». Cet extrait semble avoir été en suspens au
                    Matin depuis le mois de septembre (voir CP 03910 et 03924 ; Kolb, XVIII, n° 229 et n° 243). Notons
                que le 1er septembre 1919, la rubrique « Les Mille et un Matins
                » publiait un « conte » intitulé « La gondole au
                    soleil », par Louis Lefebvre, membre de l'Association des
                Écrivains combattants, où l'auteur comparait de façon nostalgique la Venise de 1914
                et Venise pendant la guerre. Il est possible que ce soit la lecture de cet article
                qui ait conduit Proust à choisir un extrait de son épisode vénitien pour figurer
                dans cette même rubrique, plutôt qu'un extrait d'À l'ombre des jeunes
                    filles en fleurs qui, en lice pour le prix Goncourt, présentait
                pourtant un plus grand degré d'actualité littéraire. [PK, FL]
        
- 3.
        
- Colette, mariée depuis 1912 avec Henry de
                Jouvenel, rédacteur en chef du quotidien Le Matin, occupait
                alors la fonction de  directrice littéraire de ce même quotidien. [FL]
        
- 4.
        
- Le texte initialement envoyé au
                    Matin n'ayant pas été retrouvé, on ne sait si l'extrait
                publié a été ou non amputé. Étant donné qu'il occupe trente et une lignes de plus
                que les deux colonnes prévues pour cette rubrique, il n'est pas impossible que
                Colette, apprenant le 10 décembre 1919 que le prix Goncourt venait d'être attribué à
                Proust, ait décidé de publier tel quel l'extrait un peu trop long (quitte à faire
                déborder la rubrique sur une troisième colonne), cette actualité littéraire
                justifiant la publication, telle quelle, de l'inédit du lauréat. — Nous ne possédons
                presque aucun avant-texte de l'épisode offert par Proust au
                    Matin. En effet, dans le Cahier XIV, cahier de mise au net
                du séjour à Venise (1915-1916), on ne trouve, insérée sous forme de paperole, qu'une
                version primitive de cette scène du dîner de Norpois et Mme de Villeparisis, où les
                propos diplomatiques de Norpois concernent la crise politique de 1905 avec le Maroc,
                conformément à la chronologie romanesque, et où la révélation par Mme Sazerat du
                passé scandaleux de Mme de Villeparisis n'existe pas (voir Cahier XIV, paperole foliotée f° 96 r° collée sur le f° 97 r° ;
                pour la transcription de cette version, voir AD, Esquisse
                XVI.1, p. 699-702, ou pour une transcription plus complète, Nathalie Mauriac Dyer,
                    Proust inachevé. Le dossier « Albertine disparue », Paris,
                Champion, 2005, « Annexes », p. 301-304). Proust a donc profondément remanié cet
                épisode à l'automne de 1919 en vue des pré-publications dans Le
                    Matin et les Feuillets d'Art (voir note 5
                ci-après).  [FL]
        
- 5.
        
- L'extrait publié dans Le
                    Matin est principalement centré sur la scène où, dans un restaurant
                de Venise, le protagoniste observe un dîner entre M. de Norpois et sa vieille
                maîtresse Mme de Villeparisis pendant lequel l'ambassadeur confie à son amie divers
                secrets diplomatiques qu'il vient d'apprendre. Dans la version du
                    Matin, Norpois fait état notamment de « deux dépêches de Ribot à Jonnart » qui témoignent de la
                duplicité du ministre des Affaires étrangères Alexandre Ribot en juin 1917, lors du
                coup de force entrepris par Jonnart pour faire abdiquer le roi de Grèce Constantin.
                En effet, le roi Constantin étant sous la coupe de l'ambassadeur d'Allemagne,
                Charles Jonnart (1857-1927), nommé par Ribot le 25 mai 1917 « Haut Commissaire des
                Puissances protectrices de la Grèce, avec plein pouvoirs civils et militaires »,
                entreprend début juin 1917 de débarquer à Salamine sur un navire de guerre en même
                temps qu'un corps expéditionnaire français envahit la Thessalie, et il exige, le 10
                juin, l'abdication du roi Constantin en faveur de son second fils, ultimatum accepté
                le 12 juin 1917. Selon les propos de Norpois, Ribot, « effrayé par l'action violente
                de Jonnart », aurait tenté de l'en dissuader dans une première dépêche, puis, après
                la réussite de ce coup de force, l'aurait chaudement félicité dans une seconde
                dépêche, affirmant qu'il l'aurait aidé en cas d'obstacle. Ce passage sur les
                dépêches envoyées par Ribot, qui n'existe plus dans Albertine
                    disparue (RTP, IV, p. 211-212), n'a donc pas été
                supprimé par Proust de l'extrait destiné au Matin. — On
                retrouve le texte paru dans Le Matin (discours de Norpois
                compris) dans la version (beaucoup plus longue) de l'épisode vénitien publiée par
                les Feuillets d'Art le 15 décembre 1919. Proust affirme dans
                une lettre à Robert de Billy [peu après le 15 décembre 1919] que ce sont les
                rédacteurs de cette revue qui ont « complété l'article en y ajoutant [l'extrait]
                paru dans Le Matin » (voir CP
                    03994 ; Kolb, XVIII, n° 314), ce qui l'aurait
                obligé à couper in extremis sur épreuves la dédicace à Billy,
                de peur que ces potins diplomatiques ne nuisent à la carrière de son ami,
                ambassadeur à Athènes depuis 1917. (Au sujet de la carrière diplomatique de Billy et
                de la question de cette dédicace, voir Nathalie Mauriac Dyer, « Robert de Billy. "Et
                puis c'est si amusant de causer avec vous" », in Le Cercle de Marcel
                    Proust, tome 3, éd. J.-Y. Tadié, Paris, Champion, collection «
                Recherches proustiennes », 2021, p. 142 et 148). Les copies d'impression destinées à
                chacun des deux médias et les épreuves corrigées n'ayant pas été retrouvées, il nous
                est impossible de vérifier les assertions de Proust. En fait, il semble plutôt que
                Proust avait prélevé pour Le Matin quelques pages de l'épisode
                initialement destiné aux Feuillets d'Art : dans sa lettre du
                [14 ou 15 octobre 1919] à Jacques Porel, il mentionne « une chose que j'ai écrite
                sur Venise pour […] le Feuillet d'Art
                [sic] d'où je voudrais bien détacher une page pour Le
                    Matin qui me demande une page depuis si longtemps » (voir CP 03924 ; Kolb, XVIII, n°
                243). Le Matin ayant donc publié le 11 décembre l'extrait en
                question, la rédaction de la revue aurait pu décider in
                    extremis de réinsérer ces pages afin de reconstituer la totalité de
                l'épisode que Proust lui avait confié. Pour le texte des Feuillets
                    d'Art et une comparaison de ses variantes avec celui du
                    Matin, voir la transcription de Nathalie Mauriac Dyer,
                    Proust inachevé. Le dossier « Albertine disparue », Paris,
                Champion, 2005, « Annexes », p. 325-341. — Dans Albertine
                    disparue (RTP, IV, p. 209-213), les
                indiscrétions diplomatiques de Norpois ont été modifiées lors de l'établissement de
                la dactylographie de 1922 (voir Mauriac Dyer, op. cit., p.
                279-283), la vraisemblance diégétique ne permettant pas de conserver des événéments
                politiques de 1917 (et même de septembre 1919 pour la prise de Fiume par d'Annunzio,
                commentée par Norpois dans ce même extrait du Matin) alors que
                le séjour du protagoniste à Venise est censé se dérouler bien avant la Première
                Guerre mondiale. [FL]