Paris, le 17 Mai 1916
Mon Cher Marcel,
J'ai bien reçu ta lettre du 13 Crt., et celle↩
du 15 (?).
Je m'empresse de te dire, en réponse à la pre-↩
mière, que je n'ai jamais été de nationalité portugaise1. Je↩
suis né sujet britannique etétant né sur le sol britannique (lisez↩
Gibraltar).
Ce premier point important une fois établi pas-↩
sons à la question du prêt de tes titres au Trésor français2.
Pour ce qui concerne les 301 parts Sté Civile de↩
Suezque tu as rue Laffitte, je suppose que tu possèdes un récé-↩
pissé comme pour les autres valeurs que nous avons retirées de↩
chez ces Messieurs, auquel cas je te prie de me l'envoyer de↩
suite, dûment acquitté par toi.
Je te fais mes excuses en ce qui concerne ton↩
Hollandais, tes Saragosse et tes Nord de l'Espagne3. Si ces va-↩
leurs ont été comprises sur la liste que je t'ai adressée c'est↩
parce que leur vente n'ayant pas été réalisée par ma maison,↩
leur départ n'avait pas été constaté.
Comme suite à ton invitation, je me suis mis en↩
rapports avec le Crédit Industriel et lui ayant exposé l'inté-↩
rêt que je te portais depuis ma plus tendre enfance, j'ai cher-↩
ché à obtenir la suppression de la commission sur l'avance qu'↩
il t'a consentie4.
2.-
Tout en se réservant de me répondre définiti-↩
vement après examen attentif de ton dossier, ledit Etablisse-↩
ment m'a laissé entendre qu'étant données les circonstances↩
actuelles uil aimerait tout autant revoir son argent que rédui-↩
re les conditions qui régissent ton compte. Je n'ai donc pas↩
cru devoir attendre la réponse officielle dudit Etablissement↩
et me suis immédiatement rendu chez un de mes Banquiers5, le-↩
quel, eu égard à ma recommandation, se déclara disposé en↩
principe, à se substituer au Crédit Industriel, à condition↩
toutefois que les titres constituant la garantie de l'avance,↩
fussent à sa convenance.
Je suis heureux d'ajouter que l'Etablissement↩
en question se contentera de 5 1/2 % d'intérêts par an, sans↩
aucune commission. Si, donc le transfert de ton avance à cet↩
Etablissemenent est faisable ( ce qui dépendra du gage que nous↩
pourrons lui offrir) tu auras réellement fait une bonne af-↩
faire.
Afin de me permettre d'établir à nouveau ta↩
situation financière, et notamment en ce qui concerne le↩
Crédit Industriel, je te prie de me fournir immédiatement, (en↩
veillant surtout à ne pas laisser ta réponse sur ta table )le↩
dernier extrait de compte courant reçu du Crédit Industriel↩
ainsi que le dernier relevé de tes titres en dépôt chez celui-↩
ci, que tu as dû recevoir probablement au commencement de l'an-↩
née. Ceci je te prie de m'e l'envoyer immédiatement. Puis↩
tu m'indiqueras exactement quelles sont toutes les valeurs que↩
tu as réalisées depuis le 1er Décembre dernier et quelle est↩
ta situation vis-à-vis des différents coulissiers. As-tu li-
3.-
quidé tes différentes positions chez eux ou reste-t-il encore↩
quelque chose en suspens ? Dans ce cas prière de m'adresser↩
le dernier compte reçu de ces Messieurs.
Les renseignements concernant les ventes ef-↩
fectuées ainsi que les comptes des coulissiers peuvent m'être↩
adressés par toi ultérieurement si tu n'as pas sous la main↩
tous les renseignements nécessaires de façon à pouvoir les com-↩
prendre dans ta première lettre6.
Tu comprendras que la seule difficulté que pré-↩
sente le transfert est de trouver dans ton portefeuille suffi-↩
samment de titres de premier ordre pour gager l'avance que de-↩
vra consentir le nouvel etablissement. Il faudra donc lui of-↩
frir un gage composé exclusivement de titres comme la Rente↩
Française, la Rente Egyptienne, les Parts civiles de Suez, et↩
quelques autres valeurs de ce genre, faute de quoi il ne sera↩
pas possible de rembourser la totalité de l'avance7.
En ce qui concerne tes Doubawaia Balka, il pa-↩
rait que de temps en temps il se fait une transaction en Bour-↩
se de 25 ou 50 titres, mais comme le cours est très variable↩
suivant que les titres sont offerts ou demandés, les prix pra-↩
tiqués peuvent fluctuer entre 170 et 190. Je te prie donc de↩
me dire si tu m'autorises à vendre la totalité de ces titres,↩
auquel cas je te prie de me fixer une limite raisonnable. Bien↩
entendu je ne forcerai pas le marché mais comme ces actions ne↩
rapportent pas d'intérêts il serait pratique, en principe, de↩
les liquider car cela ferait rentrer une centaine de mille↩
francs qui diminueraient ta dette d'autant.
Si cependant cela te fait trop de peine de
4.-
vendre ces actions au cours actuel et que tu croies qu'elles↩
vont monter par la suite ( ce qui est vraisemblable sans que↩
l'on puisse prévoir à quel moment se produira la hausse) j'exa-↩
minerai, dès que j'aurai tous tes renseignements si le revenu↩
de ton portefeuille actuel , après déduction des intérêts ré-↩
duits sur l'avance nouvelle, est suffisant pour te permettre↩
de te maintenir à flot, auquel cas, rien ne s'opposera à ce↩
que tu attendes les événements. Dans le cas contraire, je↩
n'hésiterais pas à chercher à réaliser les dites actions car↩
cela diminuerait dtes charges d'intérêts de 5.500 frs par an.
J'ajouterai, pour ta gouverne, que le fait de↩
prêter au Trésor Français dtes'Egyptiens et dtes Suez ne t'empê-↩
chera pas de les vendre si tu t'y décides plus tard car le Tré-↩
sor en échange des titres prêtés délivre des certificats qui↩
seront cotés en Bourse. Il sera même possible de donner ces↩
certificats en gage d'avances au lieu des titres eux-mêmes.↩
Tu auras donc tous les avantages puisque tu ne mobilises pas↩
ton argent et tu augmentes tes revenus de 25 %.
J'attends donc ta réponse par retour du cour-↩
rier et si tu approuves mes conclusions ( et que je trouve↩
dans ton portefeuille un gage suffisant pour le nouvel Etablis-↩
sement) je te remettrai à la signature une lettre adressée au↩
Crédit Industriel pour l'inviter à me remettre tous les titres↩
qu'il détient sous ton dossier contre remboursement du solde↩
de ton compte.
Bien affectueusement à toi.