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Mon cher Lionel
Je t'envoie ci inclus, d'après↩
ton autorisation2, ce qui concerne ces↩
200 Caucasian3. Quant au Crédit↩
Industriel, il m'assure que mon↩
Egyptien, Carpet, etc n'a pas de↩
marché du tout actuellement.↩
Excuse-moi si pour ton beau frère j'ai↩
encore une fois gaffé4. Tu m'avoueras que↩
smon erreur ne m'est pas tout entière impu-↩
table. Quand tu as eu la gentillesse de me↩
parler de lui5, il m'avait bien semblé en
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effet que je ne pouvais avant liqui-↩
dation retirer des titres à mon coulissier,.↩
eEt pour cependant ne pas négliger d'↩
avoir recours à lui, j'avais voulu↩
prendre plus tard une « position » chez↩
lui6. Tu m'as dit alors que ma↩
lettre t'avait jeté dans une indicible↩
rage. La conclusion s'imposait : Lio-↩
nel me parle de son beau frère, il é-↩
cume à l'idée qu'une fois mes positions↩
liquidées j'en prenne de nouvelles,↩
donc c'est avant que mes positions↩
soient liquidées qu'il pense que je puis
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me retourner vers son beau frère. Tâchons de saisir↩
la 1re occasion décente pour retirer aux autres mes↩
affaires – . Or il paraît que c'était mal↩
aussi. Donc pardon d'avoir eu tant de fois de↩
bonnes intentions irréalisables ou qui eussent tourné↩
au plus grand dommage de ta maison, comme dans↩
le cas de ma vente. (Je dois dire que je suis très↩
content du Credit Ind. qui paraît l'être également↩
de moi). C'est du reste le caractère habituel des↩
bonnes intentions puisque à cause de cela elles sont↩
le pavage détestable de l'Enfer. Mais tout arrive, et
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peut'être une fois mieux inspiré, plus favorisé par la↩
chance, j'en aurai une bonne (intention) qui se réalisera, qui ne↩
te déplaira pas, j'en serai très heureux. — . Pour Léon,↩
mon impression est qu'il n'y a rien à faire ; si tu es d'un↩
autre avis, je lui dépêcherai le pauvre petit Bardac avant↩
qu'il ne soit reparti7 (je dis pauvre petit sans dédain↩
crois le, car je l'aime beaucoup. Mais avoir en q. q. mois↩
perdu une oreille, le nerf facial, celui de la jambe8,↩
son père9, et encore bien d'autres choses, c'est assez triste. Il↩
lui reste d'avoir infiniment d'esprit et de cœur)
Ton bien affectueusement reconnaissant
↩
Marcel Proust