Vendredi1
Mon cher Lionel
Je t'ai bien écrit tout de↩
suite pour te dire ma pro-↩
fonde reconnaissance mais↩
ma lettre n'a pas eu de↩
chance. Portée Boulevard↩
Flandrin2 immédiatement↩
comme ce n'était plus l'↩
heure de la rue de la Victoire3
2
on a répondu que tu n'y habitais↩
plus. Alors le lendemain j'ai↩
envoyé rue de la Victoire, tu↩
n'y étais pas4. Aujourd'hui (ce↩
qui fait 48 heures sans que↩
tu aies su que je ne suis↩
pas ingrat, j'en suis malade)↩
j'ai renvoyé rue de la Victoire↩
demander ton nouveau domicile↩
(ce qu'on aurait dû faire la↩
1re fois) et on a refusé de↩
l'indiquer5. Je vais donc ↩
renvoyer ce mot rue de la
3
Victoire en espérant qu'un jour ou l'↩
autre tu sauras ma gratitude. —. Tu↩
es bien aimable, (et, je le crains, un peu↩
moqueur), quand tu dis que tu as lu ma↩
lettre avec intérêt ; car rien n'est plus↩
ennuyeux, sauf pour le questionneur, que↩
ces demandes de conseil. Mais tu comprendras↩
facilement que moi j'aie pu lire ta réponse↩
avec grand intérêt, car tu y traites de↩
questions générales, comme celle du↩
change, et j'ai lu cela comme un article de
4
Revue de Paris, mais mieux fait. Dans l'↩
intervalle le Dr de l'Agence du CtIndl↩
est venu en congé de 3 mois et m'a adressé ↩
un tableau détaillé des hausses et des baisses.↩
Je pourrais dire des baisses car rien n'a↩
monté. En examinant mieux le CteRothschild↩
(je voulais te l'envoyer mais j'ai eu peur de t'assomer)↩
j'ai vu que la Jutland et le Hollandais y↩
tiennent une trop petite place pour pouvoir↩
être utiles. En revanche de gros paquets de↩
Banque Espagn. du Rio de la Plata, de Santa Fé, de↩
Chilien 5 %, de Russe, bénéficient peut'être de↩
cette question du change ? Ne prends pas la peine de
5
me l'écrire. Je le demanderai au↩
Crédit Industriel et tremble qu'il↩
me dise que c'est à vendre. Car↩
alors il faudra affronter Monsieur↩
Neuburger. Quant aux valeurs qui↩
ne donnent pas d'intérêts comme la↩
Doubowaïa Balka naturellement↩
j'aimerais mieux les vendre. Mais le↩
capital a par trop baissé. Quant aux↩
Mines d'Or j'ignore si la guerre↩
leur profitera. Et puis elles donnent de↩
bons revenus. —. Je n'ai pas compris↩
ce que tu m'as dit relativement à↩
mon coulissier, mais puisque je ne↩
suis pas obligé de lever les titres6, cela me×××m'
6
est égal. D'ailleurs ces valeurs sont plus↩
basses qu'en Juin. Néanmoins↩
je vais lui écrire qu'il peut↩
arrêter le jeu7, s'il veut.↩
Tu as donc été gentil, bon,↩
délicieux, dans tous tes conseils,↩
et de me les donner si vite,↩
et si détaillés. Il me semble↩
(ceci dit très affectueusement)↩
que tu l'as été un peu moins↩
quand tu t'es dit heureux que↩
je fusse versé dans le service↩
armé car tu sais très bien que dans
7
mon état de santé ce serait ma mort en↩
48 heures. Sans doute la vie que je mène n'↩
a rien d'agréable et même en sachant que je↩
ne peux être utile en rien à l'armée, je me↩
serais utile à moi-même en me laissant↩
supprimer. Mais je désire beaucoup terminer↩
l'ouvrage commencé et y déposer des↩
vérités dont je sais que beaucoup se↩
nourrissent et qui sans cela seront détruites↩
avec moi. D'ailleurs (et c'est ce qui a↩
causé le premier retard à te remercier) comme
8
je venais de recevoir ta lettre on m'a inopi-↩
nément annoncé de nouveaux médecins↩
militaires, à ma grande surprise puisque↩
j'étais ajourné à 6 mois (la loi Dalbiez8↩
en est sans doute cause). La conséquence a ete↩
que je suis au contraire proposé pour la Réforme.↩
J'espère tout de même que je ne te cause pas de↩
tristesse en te le disant. —.
Ne prends toute↩
cette dernière partie de ma lettre que comme↩
elle est écrite, c'est à dire « cum grano salis »↩
et en revanche que ce soit dans la plenitude de↩
son sens que tu veuilles bien croire à ma↩
reconnaissante affection
Marcel Proust
Ne dis à personne ce que je t'ai dit de mon frère9car il n'en a parlé à personne, je↩
ne l'ai su qu'indirectement, cela n'a jamais interrompu ses travaux et j'espère qu'il en↩
triomphera
9
P. S.↩
Maintenant que j'ai été↩
revisité, je tâcherai de faire↩
une ou deux tentatives de↩
sortie. La 1re sera pour↩
aller te remercier si je↩
peux te joindre. Et je te↩
demanderai si tu possèdes↩
mon livre illustré par Madeleine↩
Lemaire (les Plaisirs et les↩
Jours). Sinon je serai heureux↩
de te l'envoyer, il est assez↩
joli à regarder pour que même↩
sans prendre la peine de le lire, tu puisses
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trouver du plaisir à en examiner↩
les dessins. Peut'etre je te l'ai↩
donné autrefois. Je ne me↩
souviens plus.↩
—. J'ai trouvé (je saute au↩
1er sujet) que les Obligs↩
d'Egypte, les Chsfeder.↩
suisses, les tunisiennes, la↩
Rente, le Suez ont bien baissé↩
pour les vendre. Je me suis arrêté↩
provisoirement à l'Azote↩
et à la Cie des Eaux.