Mardi 6 avril1
Mon cher Marcel
Je vous retrouve↩
tout entier dans↩
cette longue lettre2↩
que vous avez↩
pris la peine↩
de m'écrire,↩
et qui me↩
touche et↩
m'amuse. J'espère↩
qu'elle ne↩
vous aura pas↩
causé trop de↩
fatigue et↩
quant à moi
je vous assure↩
qu'elle m'a été↩
bien agréable↩
à lire. Il me↩
semblait que↩
je causais avec↩
vous. Je réponds↩
donc à ce↩
que vous me↩
dites. Je vous↩
assure que nos↩
mélancolies se↩
ressemblent↩
beaucoup car↩
elles doivent↩
avoir les mêmes↩
causes, et que↩
notre désenchantement↩
général provient↩
de l'effondrement↩
auquel nous
assistons. Ne dites↩
pas que votre↩
état moral est↩
incurable, car vous↩
êtes jeune, et↩
pouvez avoir↩
l'espoir d'assister↩
à une renaissance↩
tandis que moi↩
je n'en aurai pas↩
le temps ; et je ne↩
puis finir mes↩
jours que dans↩
la tristesse.↩
Malgré cela↩
je tâche de réagir↩
je fais appel à↩
mon énergie↩
croyant qu'il↩
m'en reste encore
un peu, je travaille↩
en cherchant à↩
me persuader que↩
cela m'intéresse↩
et surtout pour↩
ne pas penser à↩
autre chose.↩
Quel malheur↩
que je ne puisse↩
pas parler de↩
tout cela avec↩
vous et que c'est↩
triste de ne↩
plus causer↩
ensemble comme↩
autrefois, et de↩
ne pas confondre↩
nos deux mélancolies,↩
ce qui nous↩
donnerait peutêtre↩
plus de forces pour↩
les supporter.
Merci pour l'offre↩
de votre médecin3,↩
je l'accepterai↩
pour ma prochaine↩
maladie, car↩
la mienne↩
touche à sa↩
fin j'espère.↩
Je vais mieux↩
et ce n'est pas↩
trop tôt après↩
quatre semaines↩
et si le beau↩
temps venait↩
je guérirais↩
tout à fait et↩
je pourrais enfin↩
reprendre le↩
chemin de
Réveillon ; car je↩
suis bien malheureuse↩
d'y sentir Suzette↩
toute seule.↩
Je passe au↩
troisième point↩
de votre lettre↩
les pillules laxatives↩
Merci aussi↩
pour cela !!! Je↩
n'en n'ai pas↩
besoin.↩
Mais comme↩
vous pensez à↩
tout !
↩
Je sais que le↩
mari de Celeste↩
n'a pas une↩
voiture qui↩
lui permette de
faire un grand↩
trajet4. Mais↩
j'espère toujours↩
qu'on va↩
reconstituer un↩
train pour la↩
Marne car on↩
l'a réclamé à↩
la Compagnie↩
Pardon de vous↩
parler si longuement↩
de moi et de choses↩
si peu intéressantes↩
mais je vous↩
réponds.↩
Maintenant parlons↩
de vous. Je suis↩
désolée de vous↩
savoir m ×××si mal↩
en train. Je vous↩
avais trouvé si↩
bien qual'année↩
dernière quand
je vous avais↩
recontré à la conference5↩
de Reynaldo. Vous↩
aviez retrouvé votre↩
mine d'autrefois.↩
Pourtant l'année↩
a été belle pour↩
vous au point↩
de vue littéraire↩
vous avez eu de↩
gros succès, qui↩
vous étaient bien↩
dûs. Cela a dû↩
vous faire plaisir↩
quand même.
Quand pourrai je↩
vous revoir ?↩
Je dois revenir↩
au mois de↩
Mai. Je vous↩
assure que ce serait↩
une joie pour moi
de vous revoir et de↩
causer6.
Je vous embrasse
Madeleine Lemaire
Excusez le décousu de↩
ma lettre. Je suis↩
fatiguée