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Je vous remercie mille fois↩
de votre lettre et des sentiments↩
si délicats que vous m'exprimez3.↩
Les pénibles conséquences de mes↩
ennuis sont trop compliquées pour↩
que je puisse vous en parler dans↩
une lettre. J'ai de bonnes nouvelles↩
de Monsieur Robert4, de M. Hahn5,↩
de Nicolas6. Mais naturellement on ↩
ne sait jamais ce que le lendemain
Est-ce que↩
je confonds ? Est-ce↩
que vous n'avez pas été autrefois↩
chez une Madame Thierry Mieg7.↩
Car j'ai vu qu'un fils Thierry Mieg↩
avait été tué, je ne sais pas si↩
c'est de celle-là8. D'autre part↩
un neveu de Me Raimbert9↩
le Bon Lejeune a été↩
tué10. Il venait d'↩
épouser la fille de la ↩
Pcesse Murat11 belle ↩
sœur de mon↩
meilleur ami↩
le Mis↩
d'↩
Albufera12
réserve. Le fils d'Antoine est parti↩
mais pas encore au feu13. Beaucoup↩
de mes amis ont été tués mais↩
je ne sais si vous les connaissiez.↩
Parmi les personnes qui venaient à↩
la maison de votre temps, le↩
petit Bénac a été tué14, le↩
petit Tirman et le petit Catusse↩
blessés15, le fils de Madame Berge↩
(la fille de Félix Faure) est↩
↩
prisonnier en Allemagne (j'apprends en dernière heure qu'il est tué à ce qu'on croit.16, le petit↩
Derbanne17 et M. de Fénelon tués18.↩
Je ne puis vous dire quelle tristesse
les morts d'êtres jeunes et pleins de valeur me↩
causent. M. de Fénelon était à la Légation de France↩
en Norvège19, le gouvernement lui avait demandé d'y↩
rester, il a absolument voulu s'engager et aller dans↩
les tranchées. Sa sœur, la Mise de Montebello avait eu↩
il y a 3 ans son jeune mari tué par la foudre20. Toute↩
cette immense fortune va à aller à personne. Mais↩
la fortune n'est rien. Ce qui était admirable chez le↩
Cte de Fénelon, c'était le cœur, l'intelligence↩
merveilleuse. Vous devez vous rappeler que nous étions↩
allés ensemble en Hollande21.
Croyez ma chère Eugénie à↩
mes sincères amitiés
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1
Ma chère Eugénie2
Je vous remercie mille fois de votre lettre et des sentiments si délicats que vous m'exprimez3. Les pénibles conséquences de mes ennuis sont trop compliquées pour que je puisse vous en parler dans une lettre. J'ai de bonnes nouvelles de Monsieur Robert4, de M. Hahn5, de Nicolas6. Mais naturellement on ne sait jamais ce que le lendemain
réserve. Le fils d'Antoine est parti mais pas encore au feu13. Beaucoup de mes amis ont été tués mais je ne sais si vous les connaissiez. Parmi les personnes qui venaient à la maison de votre temps, le petit Bénac a été tué14, le petit Tirman et le petit Catusse blessés15, le fils de Madame Berge (la fille de Félix Faure) est prisonnier en Allemagne (j'apprends en dernière heure qu'il est tué à ce qu'on croit)16, le petit Derbanne17 et M. de Fénelon tués18. Je ne puis vous dire quelle tristesse
les morts d'êtres jeunes et pleins de valeur me causent. M. de Fénelon était à la Légation de France en Norvège19, le gouvernement lui avait demandé d'y rester, il a absolument voulu s'engager et aller dans les tranchées. Sa sœur, la marquise de Montebello, avait eu il y a trois ans son jeune mari tué par la foudre20. Toute cette immense fortune va aller à personne. Mais la fortune n'est rien. Ce qui était admirable chez le comte de Fénelon, c'était le cœur, l'intelligence merveilleuse. Vous devez vous rappeler que nous étions allés ensemble en Hollande21.
Croyez ma chère Eugénie à mes sincères amitiés.
Marcel Proust
Est-ce que je confonds ? Est-ce que vous n'avez pas été autrefois chez une Madame Thierry-Mieg7 ? Car j'ai vu qu'un fils Thierry-Mieg avait été tué, je ne sais pas si c'est de celle-là8. D'autre part un neveu de Mme Raimbert9, le baron Lejeune a été tué10. Il venait d'épouser la fille de la princesse Murat11, belle-soeur de mon meilleur ami le marquis d'Albufera12.
- 1.
- Lettre qui se situe après le 27
février 1915 (mention de la mort d'un fils Thierry-Mieg lue dans le journal : voir
la note 8 ci-après) et plusieurs jours avant la lettre à Georges de Lauris écrite
[vers le 10 mars 1915] (CP 02925 ;
Kolb, XIV, nº 36 : voir les notes 16 et 18 ci-après). Elle
doit donc dater des premiers jours de mars 1915. [PK, PW, FL]
- 2.
- Eugénie Lémel fut femme de chambre chez
Mme Proust à partir d'au moins 1890 (voir la lettre du [28 avril 1890] : CP 00023 ; Kolb, I, n° 23) et
peut-être jusqu'en 1901 (voir la lettre du [30 août 1901] : CP 00585 ; Kolb, II, nº 279).
Nous avons très peu d'informations la concernant, sinon qu'elle est décédée peu
avant le 4 août 1915 (lettre de Proust à une inconnue, datée du 4 août 1915 :
CP 02986 ; Kolb, XIV,
nº 98). Dans Jean Santeuil, Proust a donné le prénom d'Eugénie
à une femme de chambre (JS, p. 357 — voir le manuscrit,
NAF 16615, f. 349 v : « Oh ! les serviettes mises par Eugénie
dans sa chambre […] »). [PK, FL]
- 3.
- Aucune lettre d'Eugénie Lémel n'a été
retrouvée. Proust fait plusieurs fois l'éloge de ses dons épistolaires. Dans la
seule autre lettre de Proust à cette correspondante connue à ce jour, datant
probablement de janvier 1915, il employait déjà cette même formule : « votre lettre
de vœux (dont je vous remercie) réveille mon remords de ne vous avoir pas remerciée
encore des sentiments si délicats que vous m'avez exprimés dans la précédente. »
(CP 05416 ; Cher
ami..., p. 105 et p. 350, BPRS 59). Lorsqu'elle était encore au
service des Proust, quelques lettres de Marcel à sa mère révèlent qu'il avait
plaisir à correspondre avec cette femme de chambre : « Remercie bien Eugénie de sa
charmante lettre. Je vais lui répondre » (lettre du [24 septembre 1899] : CP 00522 ; Kolb, II, nº 216) ;
ou encore : « lettre remarquable […] d'Eugénie » (lettre du [30 août 1901] : CP 00585 ; Kolb, II,
nº 279). [PW]
- 4.
- Eugénie appelait le frère de Marcel
Proust « Monsieur Robert », selon l'usage des domestiques de l'époque (voir P.
Guiral et G. Thuillier, La Vie quotidienne des domestiques en France au
XIXe, Paris, Hachette, 1978, p. 213). Robert
Proust était parti pour Verdun comme médecin-major dès la mobilisation et y opérait
avec bravoure dans des conditions dangereuses : voir la lettre de Proust à Louis de
Robert du 3 janvier 1915 (CP 02890 ;
Kolb, XIV, n° 1) ou encore celle à Robert de Billy [entre
le 8 et 11 avril 1915] (CP 02915 et sa note 8 ;
Kolb, XIV, n° 26). [PK, PW, FL]
- 5.
- Reynaldo Hahn était alors en Argonne :
voir la carte-lettre de Hahn à Proust [peu avant le 5 mars ? 1915] (CP 02913 ; Kolb, XIV, n° 24)
ou la lettre de Proust à Robert de Billy [entre le 8 et le 11 avril 1915], p. 6
(CP 02915 ; Kolb, XIV,
n° 26). [PW, FL]
- 6.
- Nicolas Cottin, valet de chambre de
Proust, a été mobilisé à la mi-août 1914. Proust avait déjà donné de ses nouvelles à
Eugénie Lémel dans une lettre précédente : « Nicolas est dans l'est, je ne sais au
juste où. » (CP 05416 ; Cher
ami..., p. 350, BPRS 59 — voir la note 3 ci-dessus). Il mourra à
l'hôpital Saint-Antoine à Paris, le 4 juillet 1916, d'une pleurésie contractée à la
guerre (voir sa fiche dans le registre des matricules de recrutement
militaire, ainsi que sa fiche dans la base « Mémoire des hommes », dans la catégorie
« Non mort pour la France »). [PK, PW]
- 7.
- Les Thierry-Mieg étaient une famille
d'industriels alsaciens du textile. Parmi les nombreuses branches, plusieurs étaient
restées à Mulhouse, berceau de la famille, contribuant au développement des sociétés
familiales. Parmi celles qui se sont installées à Paris ou à proximité et chez qui
Eugénie Lemel aurait pu servir, on peut mentionner Charles Thierry-Mieg (1833-1901)
et son épouse née Jenny Louise Emma Paccard (1842-1923) (voir à la page « Notices
biographiques des correspondants » du site Corr-Proust la fiche
relative à cette famille) ; ou encore Jean-Jacques Thierry-Mieg (1820-1904),
médecin, et son épouse née Amélie Koechlin (1825-1903). — Une lettre de Jeanne
Proust à Marcel de 1890 (CP 00031 ;
Kolb, I, nº 31) indique qu'Eugénie Lémel était allée se
faire soigner les dents chez le dentiste de Mme Thierry-Mieg. Il semblerait ainsi
qu'elle ait servi dans cette famille avant d'être employée chez les Proust, donc
avant 1890. [PK, PW, FL]
- 8.
- Le jeune Thierry-Mieg dont Proust a
appris le décès par la presse ne peut être que Jean Thierry-Mieg, né le 10 septembre
1890, fils de M. et Mme Auguste Thierry-Mieg, donc neveu (et non fils) de la famille
qu'Eugénie Lémel avait servie. Sergent au 15e bataillon de
chasseurs, il avait été tué le 4 février 1915 à la bataille d'Uffholtz, en Alsace,
selon sa fiche dans la base « Mémoire des hommes ». Sa mort est
annoncée dans Le Temps du 2 mars 1915, p. 4, rubrique
« Nécrologie », et dans Le Journal du 3 mars
1915, p. 4, rubrique « Morts au champ d'honneur ». Une annonce
nécrologique plus détaillée avait paru dans le Journal
de Genève du 27 février 1915, p. 4 ; Proust lisait aussi
régulièrement ce quotidien durant la guerre. [PK, PW, FL]
- 9.
- Il s'agit de Mme Louis
Jules Raimbert, née Henriette Delon (née le 3 mai 1824 à
Paris et décédée le 8 janvier 1903 dans son château de Bois-Bertrand, Eure). Lors de
son décès, l'annonce nécrologique parue dans Le Figaro du 12
janvier 1903 précisait qu'elle était « la tante du baron Lejeune » ; ce lien de
parenté était également précisé dans la Nécrologie du Journal des Débats du 13
janvier 1903, p. 3. [PW]
- 10.
- Le baron Jules Marie
Edgard Lejeune, ancien élève de Saint-Cyr, était capitaine
au 5e régiment de cuirassiers, détaché à la
1e division de cavalerie anglaise. Il était mort des suites
de blessures de guerre, le 23 novembre 1914, à l'hôpital militaire de Bailleul
(Nord) (voir sa fiche militaire dans la base « Mémoire des hommes »). Proust
avait pu apprendre son décès par Le Figaro du 26 novembre 1914,
p. 3, rubrique « Le Monde
& la Ville — Deuil », ou par la notice
nécrologique plus détaillée parue dans Le
Figaro du 5 décembre 1914, p. 4, même rubrique. [PK, PW]
- 11.
-
Marguerite Malcy
Caroline Alexandrine Murat (1886-1956) était la fille du prince Joachim Murat
(1856-1932) et Cécile Marie Michaëla Ney d'Elchingen (1867-1960). Le baron Edgard
Lejeune l'avait épousée le 1er juillet 1912 (voir Le
Figaro, 2 juillet 1912, p. 3, rubrique « Le Monde
& la Ville — Mariages »). [PK, PW]
- 12.
- Marguerite Furtado-Heine (1847-1903)
eut des enfants de son premier mariage (en 1866) avec Michel Ney d'Elchingen
(1835-1881), dont Cécile Ney d'Elchingen, qui épousa le prince Joachim Murat. De son
second mariage, en 1882, avec François Victor, duc de Massena d'Essling et de Rivoli
(1836-1910), elle eut aussi plusieurs enfants, dont Anne Massena d'Essling et de
Rivoli, qui épousa le marquis Louis d'Albufera. La marquise Louis d'Albufera et la
princesse Joachim Murat étaient donc demi-sœurs (et non belles-sœurs) ; Marguerite
Murat, épouse du baron Lejeune (voir la note 11 ci-dessus), fille de la princesse
Joachim Murat, était la nièce de la marquise et du marquis Louis
d'Albufera. [PK, FL]
- 13.
- Quelques mois plus tôt, Proust
donnait déjà à Eugénie Lemel des nouvelles de ce jeune homme : « Le fils d'Antoine
part ces jours-ci. » (CP 05416 ; Cher
ami..., p. 350, BPRS 59). Il s'agit d'André Yves
(ou Yvon) Bertholom, né le 26 octobre 1895 à Rosporden (Finistère), fils d'Antoine
et Louise Berthelom, le couple de concierges du 102, boulevard Haussmann (voir leur
notice biographique sur le site Corr-Proust). Selon son
dossier dans le registre des matricules militaires, il avait été
incorporé le 27 décembre 1914 au 42e Régiment d'infanterie,
puis il passa le 3 juin 1915 au 146e Régiment d'infanterie ;
blessé à la cheville par éclat d'obus le 4 juillet 1915, il devait, après plusieurs
mois d'hôpital et de convalescence, changer d'arme pour l'artillerie puis les chars
d'assaut. Une lettre de Proust de décembre 1914 (CP
02854 ; Kolb, XIII, n° 203) nous apprend que le
fils d'Antoine était alors au « camp d'Avor » : n'ayant encore que 19 ans, il y
effectuait probablement sa période d'instruction militaire. André Bertholom a
survécu à la Grande Guerre (voir sa notice biographique sur le site
Corr-Proust). [PK, PW, FL]
- 14.
- Jean Bénac, jeune avocat, était le
fils d'André et Edmée Bénac, de vieux amis de la famille Proust. Il fut tué par un
obus le 15 décembre 1914, à Thann, en Alsace (voir sa fiche militaire dans la base « Mémoire des hommes »). Jean
Bénac a peut-être servi de modèle au personnage de Robert de Saint-Loup pendant la
guerre (voir Pyra Wise, « Jean Bénac dans l'Enfer de la Grande Guerre : une source de Robert de
Saint-Loup au front », Quaderni Proustiani,
nº 12, 2018, 113-140). [PK, PW, FL]
- 15.
- Il s'agit de Jacques Tirman et de
Charles Catusse, dont Proust donnait aussi des nouvelles dans sa lettre de janvier
1915 à Eugénie Lémel : « Les jeunes Catusse et Tirman que vous connaissiez tous deux
ont été blessés grièvement mais sont guéris et repartis se battre. » (CP 05416 ; Cher ami, p. 350,
BPRS 59). Pour le fils de Mme Catusse, voir sa notice biographique sur le site
Corr-Proust. Quant à Jacques Tirman, il doit s'agir de
Jacques Comolet-Tirman (1884-1955), le fils de Louise Tirman, qui était la seule
fille du préfet et ancien gouverneur général d'Algérie Louis Tirman (voir Vincent
Wright, Les Préfets de Gambetta, Paris, Presses de l’Université
Paris-Sorbonne, 2007, p. 400). [PK, PW]
- 16.
- Antoinette Faure, la fille du
président Félix Faure, amie d'enfance de Marcel Proust, épouse de René Berge, avait
eu trois enfants, dont Jacques Berge, tué à l'ennemi le 22 août 1914 (voir sa
fiche dans le registre des matricules militaires, et
dans la base « Mémoire des hommes »). Dans une lettre à Georges
de Lauris [vers le 10 mars 1915] (voir CP 02925
; Kolb, XIV, n° 36), Proust mentionne le cas de son amie Mme
Berge qui, « il y a huit jours apprenait officiellement par un ami du Ministère [que
son fils] était prisonnier », nouvelle officielle qui s'était peu après révélée
fausse : « Par suite d'une erreur stupide trois cent familles sont ainsi passées du
deuil à la joie et de la joie au deuil cette semaine-là ». L'indication de « cette
semaine-là » suggère que la lettre à Lauris a été écrite la
semaine suivante. L'ajout interlinéaire inséré ici dans la lettre à Eugénie Lémel
marque le moment où la fausse bonne nouvelle a été démentie : cette lettre doit donc
précéder de plusieurs jours celle à Lauris. [PK, PW, FL]
- 17.
- Il ne peut s'agir que de Joseph Noël
Derbanne, né le 25 décembre 1880, lieutenant au 28e régiment
d'infanterie, tué à l'ennemi le 29 août 1914 à Macquigny (Aisne). Il était le
fils de M. Gustave Derbanne, courtier, et de son épouse, née Léonie Rosalie Lévy.
Nous ne trouvons dans la base Mémoire des hommes aucun autre
Derbanne tué à l'ennemi en 1914 ou 1915. Son frère Jacques, né le 7 août 1876, clerc
d'avoué, avait été réformé en 1897 pour « myopie supérieure à 6 dioptries » et
n'avait pas été mobilisé (voir sa fiche dans le registre des matricules militaires) ; il fut
déclaré bon pour le service armé par le Conseil de révision de la Seine en date du
10 mars 1915 (soit après cette lettre à Eugénie Lémel) mais obtint un sursis
jusqu'au 12 juin 1915. Il ne rejoignit son régiment que le 29 novembre 1915 et, par
suite d'une phlébite, fut reclassé dans les services auxiliaires le 6 juin 1916 en
tant que secrétaire d'État-Major, et survécut à la guerre. [FL]
- 18.
- Bertrand de Salignac-Fénelon, tombé
à Mametz le 17 décembre 1914 (voir le registre de matricule militaire, DR1 976, et sa fiche dans le registre des « Morts pour la France 14-18 »), fut
longtemps porté disparu sans qu'on sût s'il était mort, gravement blessé, ou
prisonnier en Allemagne. En janvier 1915, Proust confiait à Maria de Madrazo :
« Bertrand de Fénelon a peut-être été tué. On ne sait rien. Cette idée me rend fou »
(CP 02895 ; Kolb, XIV,
nº 6). Par une lettre du 17 février 1915, la marquise de Montebello, sœur de
Fénelon, apprenait à Proust qu'un témoin disait l'avoir vu tomber, mortellement
blessé (CP 02908 ; Kolb,
XIV, n° 19), mais Proust continuait à espérer qu'il ne fût que blessé. Antoine
Bibesco, de passage à Paris fin février ou début mars 1915, apprit à Proust lors
d'une visite qui semble se situer le 27 février que Fénelon était désormais tenu
pour mort (voir la lettre de Proust à Louis de Robert du [début mars 1915] : CP 02921 ; Kolb, XIV, n° 32).
Mais après quelques jours d'affliction, Proust se reprendra à espérer que Fénelon ne
fût que (gravement) blessé, estimant qu'il n'y avait toujours aucune preuve de sa
mort (voir sa lettre à Lauris [vers le 10 mars 1915] : CP 02925 ; Kolb, XIV, n° 36). C'est par l'annonce
nécrologique parue dans Le Figaro du 13 mars 1915, p. 3,
rubrique « Le Monde
& la Ville — Deuil », qu'il apprendra que la mort de Fénelon
était désormais confirmée. La présente lettre à Eugénie Lémel se situe donc entre la
visite d'Antoine Bibesco du [27 février 1915 ?] qui donnait Fénelon pour mort, et le
moment où Proust reprend espoir début mars (avant de devoir admettre le 13 mars
qu'aucun espoir n'est plus possible). [PK, PW, FL]
- 19.
- Bertrand de Salignac-Fénelon fut
d'abord nommé attaché d'ambassade à Constantinople en 1902, Saint-Pétersbourg,
Berlin, puis secrétaire d'ambassade à Pékin, Washington, Rio de Janeiro et La
Havane. Au moment de la mobilisation, il était secrétaire d'ambassade de deuxième
classe à Christiana, au Danemark, depuis le 16 avril 1914 (voir toutes ses
affectations dans sa fiche du registre des matricules militaires et dans
l'Annuaire Diplomatique de la République française, 1914,
p. 291). [PK, PW]
- 20.
- Le marquis Louis Lannes de Montebello
fut en effet frappé par la foudre en 1912, en rentrant à pied, lors d'un orage, de
la gare de Mériel (Val d'Oise) à son domicile, « Le Moulin de Stors », à côté du
château familial. Proust avait probablement appris ce décès accidentel en lisant
l'article intitulé « Le marquis de Montebello tué par la foudre » en première page du
Figaro du 26 juillet 1912. Il avait dû lire ensuite le
compte rendu détaillé des obsèques dans Le Figaro du 30 juillet
1912, p. 3, rubrique « Le Monde & la Ville — Deuil ». Il écrivit à Bertrand de
Fénelon au sujet de ce décès en juillet 1912 (CP 02356 ; Kolb, XI, nº 92). [PK, PW]
- 21.
- Proust et Fénelon avaient fait un voyage en
Hollande et en Belgique en octobre 1902. [PK]