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[photographie de Reynaldo Hahn en soldat]
Rien de plus cacachois↩
que ce portrait. Je vous
l' pour vous amuser2.↩
Je sais que la Vve a été ↩
vous voir3 : je me représente↩
tout ce qui a entouré, ↩
précédé, marqué et ↩
suivi cette visite. ↩
Il fait ici un froid qui ↩
rend tout plus difficultueux, ↩
plus lent — et plus ↩
triste ; j'ai été passer ↩
deux jours chez le Ct Cuny à 5 Km d'ici↩
(au repos aussi4) et viens ↩
de rentrer. Que de choses je ↩
pourrais vous raconter ! Mais ↩
il faudrait à la fois↩
Mirbeau et Courteline5↩
pour en donner une idée ↩
exacte. — Il paraît que ↩
Robert n'est plus par ici6. —
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[photographie de Reynaldo Hahn en soldat]
Rien de plus cacachois que ce portrait. Je vous
CARTE POSTALE
l' pour vous amuser2. Je sais que la Veuve a été vous voir3 : je me représente tout ce qui a entouré, précédé, marqué et suivi cette visite. Il fait ici un froid qui rend tout plus difficultueux, plus lent — et plus triste ; j'ai été passer deux jours chez le Commandant Cuny à 5 km d'ici (au repos aussi4) et viens de rentrer. Que de choses je pourrais vous raconter ! Mais il faudrait à la fois Mirbeau et Courteline5 pour en donner une idée exacte. — Il paraît que Robert n'est plus par ici6. —
Reynaldo
- 1.
- Dans une lettre à Mme de Madrazo
qui semble dater du 5 mars 1915 (CP 02914 ;
Kolb, XIV, n° 25), Proust transmet à celle-ci, selon la
demande de Hahn, une photographie de son ami, qu'il trouve « bien gentille ». Philip
Kolb suppose qu'il pourrait s'agir d'un autre exemplaire de cette même photographie,
puisqu'un portrait-carte postale était destiné par nature à un tirage multiple. Si
cette hypothèse est juste, la présente carte postale envoyée à Proust pourrait avoir
été écrite [peu avant le 5 mars 1915]. Cette datation reste cependant incertaine,
car elle semble en contradiction avec plusieurs éléments du texte épistolaire : voir
ci-après note 3 et note 6. En effet, la visite de Madeleine Lemaire
à Proust que mentionne Hahn ne saurait être antérieure au 6 avril 1915, et date
vraisemblablement du mois de mai (CP 02929 ;
Kolb, XIV, n° 40). Mais reporter à fin avril ou début mai
la datation de la présente carte ne s'accorde guère avec la mention du « froid qui
rend tout plus difficultueux, plus lent », évoquant le temps humide et glacial des
mois d'hiver dans le Nord-Est plus que les journées encore fraîches du printemps.
Une note mondaine parue dans la presse le 22 février 1915 : « M. Reynaldo Hahn est à
l'état-major de la 10e division d'infanterie » (« La Boîte aux Lettres », L'Intransigeant, 22
février 1915, p. 2) donne à penser qu'il n'avait peut-être rejoint le front que vers
février 1915. [PK, FL, NM, PW]
- 2.
- Hahn l'envoie peut-être aussi afin de
rassurer Proust, qui se plaignait, dans sa lettre du [14 janvier 1915] à Mme de
Madrazo (CP 02895 ; Kolb, XIV, n° 6), de n'avoir reçu « aucune
nouvelle » de lui. [PK]
- 3.
- « La Veuve » : surnom donné à Madeleine
Lemaire et à sa fille Suzette (« la jeune veuve ») par Proust et Hahn. Voir par
exemple Kolb, VI, n° 38 (CP 01387) ; VIII, n° 7 (CP 01751) ;
VIII, n° 78 (CP 01822) ; IX, n° 74, n. 13 (CP 01999). La visite en question de
Madeleine Lemaire semble être celle qu'elle envisage dans sa lettre à Proust du 6
avril [1915] : « Quand pourrai-je vous revoir ? Je dois revenir au mois de mai. Je
vous assure que ce serait une joie pour moi de vous revoir et de causer. » (CP 02929 ; Kolb, XIV, n° 40).
D'après le ton et les éléments fournis par cette lettre, il semble que leur
précédente rencontre remontait à une des conférences que Reynaldo Hahn avait données
à l'Université des Annales, entre le 27 avril et le 18 mai 1914 (voir la lettre
CP 02929 et sa note 5). [PK, NM]
- 4.
- Jeu de mots : Hahn vient de bénéficier
de quelques jours de repos (comme le Commandant Cuny, semble-t-il), et la
photographie le montre dans la position réglementaire d'un militaire « au repos ».
Si la carte de Reynaldo Hahn est antérieure au 5 mars 1915 (voir note 1 ci-dessus), il pourrait s'agir d'une
période de repos dont le Commandant Cuny aurait bénéficié entre le 18 et le 27
février 1915, lors de la bataille de Vauquois. Après l'assaut infructueux qu'il
dirigea le 17 février, au cours duquel il fut blessé, le 31e
régiment d'infanterie fut mis au repos à Auzéville, à quelques kilomètres de là,
avant de remonter en ligne le 27 février et de prendre Vauquois le
1er mars, victoire confortée malgré des contre-attaques
allemandes du 2 au 4 mars. (Voir l'Historique succinct du
31e régiment d'infanterie. France.
1914-1918, Paris, Henri Charles-Lavauzelle, 1920, section « Vauquois », p. 10-12). Le lieu où est cantonné Hahn (« ici »)
n'est pas précisé et, le combat pour la prise de Vauquois ayant été mené du 17
février au 4 mars, il ne peut, à ce stade, s'agir de cette localité. En revanche, si
la carte postale date du mois de mai 1915, « ici » pourrait désigner
Vauquois. [PK, FL]
- 5.
- Mirbeau est notamment l'auteur des
Vingt-et-un jours d'un neurasthénique (1901),
roman satirique dont le personnage principal se nomme le colonel baron de Présalé.
Quant à Courteline,
plusieurs de ses nombreuses pièces brocardent la vie militaire :
Les Gaîtés de l'escadron (1886), sa première
pièce, fantaisie militaire en neuf tableaux qui met en scène les soldats «
tire-au-flanc » et leurs sous-officiers « petits chefs » ; créée au théâtre de
l'Ambigu-Comique en février 1895, elle fut reprise au Théâtre Antoine en 1899 et
interdite par la censure pendant l'affaire Dreyfus. Voir aussi Le
51e Chasseurs (1887) ; La Vie de
caserne (1895) ; Les tire-au-cul : les gaîtés de
l'escadron (1904) ; ainsi que plusieurs de ses nouvelles ou romans,
comme Le train de 8 h 47 (1888). [PK, FP, FL]
- 6.
- Cette indication ne correspond pas aux
informations fournies par les lettres de Proust, selon lesquelles son frère Robert
aurait été dans le même secteur que Reynaldo Hahn pendant toute cette période.
Proust écrit à Robert de Billy [entre le 8 et le 11 avril 1915] (CP 02915 ; Kolb, XIV, n° 26) :
« Reynaldo est dans l'Argonne probablement pas très loin de Robert ». En revanche,
au vicomte d'Alton [peu après le 12 mai 1915], il dit que son frère est à Arras
(CP 02950 ; Kolb, XIV,
nº 61). Si Robert Proust n'est plus en Argonne au moment où Hahn écrit cette carte,
sa datation devrait être située vers le mois de mai 1915, ce qui pourrait corroborer
la visite de Madeleine Lemaire à Proust (voir note 3 ci-dessus) mais paraît peu
compatible avec la mention d'un froid glacial. Il se peut cependant que
l'information de Hahn soit erronée, fondée sur de fausses rumeurs. En effet, Robert
Proust ayant détaché de son poste à l'hôpital d'Étain en novembre 1914 pour diriger
une ambulance (voir sa fiche militaire), il est possible qu'en apprenant qu'il n'était
plus à Étain, Hahn ait cru que Robert Proust avait changé de
secteur. [FL]